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Tribune : des missionnaires dans les quartiers généraux des partis politiques et si cela marquait le début de la refondation de l’État ?

Tribune : des missionnaires dans les quartiers généraux des partis politiques et si cela marquait le début de la refondation de l’État ?

 

Depuis la diffusion du communiqué du ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation relatif à l’envoie des missions de travail dans les sièges des partis politiques, les commentaires vont train tant à Conakry qu’à l’intérieur du pays ainsi d’ailleurs qu’à l’étranger. Le sujet focalise l’actualité surtout à cause du fait que le communiqué soit publié deux jours seulement après celui relatif à la dissolution du FNDC (front national de la défense de la constitution). Beaucoup d’observateurs ont vite trouvé un lien entre les deux communiqués signés par le ministre Mory Condé. Nombreux d’entre eux soutiennent que c’est dans l’objectif de faire taire toutes les voix discordantes. Ce, en vue de permettre aux militaires du CNRD de s’éterniser au pouvoir. En tout cas, une bonne partie de la classe politique et de la société civile ne voit d’un bon œil cette démarche du CNRD. De même d’ailleurs que la CEDEAO qui n’arrête d’interpeller les autorités militaires guinéennes pour la révision à la baisse de la durée de la transition fixée à trois ans par le CNT et acté par le CNRD. Malgré les explications données par le ministre Condé pour se dédouaner des accusations et surtout rassurer les différents acteurs, beaucoup attendent le démarrage des visites dans les sièges des partis politiques à Conakry et à l’intérieur du pays pour être convaincus que la décision ne vise nullement à mettre hors-jeu des partis politiques qui élèvent la voix pour dénoncer ce qu’ils appellent gestion opaque et unilatérale de la transition.
En attendant, nous nous posons la question de savoir et si ces visites annoncées dans les quartiers généraux des partis politiques devaient marquer le démarrage de la refondation de l’Etat dont le président de la transition n’arrête de parler ? Comme le disait en substance notre professeur de sociologie politique pendant les cours de master en communication publique et politique à qui je rends d’ailleurs un vibrant hommage ici à cause de la qualité de ses cours, pour faire la refondation d’une maison, il faut non seulement dégager le soubassement, mais aussi le mur, la toiture en vue de pouvoir bien définir le nouveau plan. C’est comme pour dire qu’après la dissolution ou la suspension de la constitution le 05 septembre 2021, le CNRD devait suspendre les activités des partis politiques, des mouvements syndicaux et autres organisations de la société civile dont les activités ne s’adossent qu’ à la constitution dissoute ou suspendue. Ainsi, le compteur serait mis à zéro tant sur le plan politique que social et avec une bonne foi doublée de sincérité, le CNRD pouvait engager des concertations dès le lendemain en vue de mettre des structures de gestion de la transition en place.

La Guinée allait donc avoir l’opportunité de se doter d’une nouvelle constitution, des nouvelles lois organiques régissant les secteurs politiques et sociaux du pays. Cela est une nécessité pour notre pays dont les difficultés n’émanent que de la multiplicité de partis politiques, d’organisations de la société civile et de centrales syndicales. Concernant les partis politiques, on se rappelle que le président Lansana Conté, père de la démocratie multipartite guinéenne et en fin connaisseur des guinéens, avait recommandé dans un message à la nation, deux partis politiques seulement. L’un au pouvoir, l’autre dans l’opposition et vice versa. C’était à l’occasion de la mise en place du CTRN (comité transitoire de redressement national), organe parlementaire de transition d’alors quia élaboré la loi fondamentale adoptée en décembre 1990. Une recommandation qui a été bien suivie par le CTNR, mais qui s’est heurtée à l’opposition des politiciens venus alors massivement de l’extérieur. Il s’agissait notamment de Bâ Mamadou, Siradiou Diallo, Jean Marie Doré, Pr Ibrahima Sow (paix à leur âme) et d’Alpha Condé. Ces derniers avaient pensé à l’époque que c’était une manière de les écarter de la course à la présidence. Le Général Conté qui se voulait rassembleur, a demandé alors aux membres du CTRN d’adopter le multipartisme intégral. Ce qui fut fait à travers la loi organique régissant les partis politiques. Ce qui fait dire aux observateurs de la scène politique que la loi organique était en porte à faux avec la loi fondamentale de 1990.
Qu’à cela ne tienne, selon nos informations, jusqu’au décès du président Lansana Conté, le 22 décembre 2008, la Guinée ne comptait qu’une quarantaine de partis politiques. C’est à partir de cette date que le nombre de partis politiques a explosé. Certains sont nés à l’approche de la présidentielle de 2010 à laquelle beaucoup ont immédiatement présenté des candidats. On se souvient que c’était pour la première fois que le nombre de candidats franchissait la barre des vingt et c’était l’unique fois aussi qu’il y a eu un deuxième tour en Guinée. Après que certains partis se soient fondus dans le RPG devenu RPG-Arc-en-Ciel, on parle aujourd’hui de plus de 180 partis politiques. Ce qui constitue un réel problème pour le pays. Car, la plupart de ces partis politiques ne s’identifient qu’à la communauté de leur leader. Le plus grave est que ces partis fonctionnent comme des entreprises, le leader jouant le rôle de PD-G (président directeur général). Puisque c’est lui, qui met toujours la main à la poche. En tout cas, au constat d’ensemble, on peut dire avec peu de risque de se tromper que rares sont des partis politiques dont les militants achètent les cartes de membres pour renflouer les caisses du parti.

Les différents gouvernements du président Alpha Condé ont contribué à cette situation. Puisque sous la gouvernance du premier président universitaire et vrai politicien guinéen, il était plus facile de créer un parti politique que de créer une ONG. D’où la nécessité de revoir cette situation. A travers des critères comme la représentativité à l’échelle nationale, de nombreux partis politiques se trouveront limités dans leur exercice. Ainsi, à défaut de les dissoudre, beaucoup pourront se regrouper en fonction de leur orientation idéologique. Certes, on dira que cela ne peut pas se décréter, mais il peut être réglementé par la nouvelle loi suprême et celles régissant les partis politiques.

Quant aux organisations de la société civile que je connais le mieux pour avoir assuré la couverture pour la radio et la télévision nationales de toutes les étapes ayant conduit à la mise en place du Conseil National des Organisations de la Société Civile Guinéenne (CNOSCG) avec lequel j’ai d’ailleurs travaillé pendant plusieurs années, je peux dire que c’est le même constat. Les structures se sont vite multipliées. De même que les plateformes. Mais on a remarqué dans l’ensemble qu’il s’agissait des structures dont les leaders avaient des agendas politiques bien cachés. La presque totalité se réclamaient de la société civile la journée alors qu’ils étaient des membres actifs des partis politiques la nuit. Cela s’est révélé clairement pendant le combat qui a accompagné le changement de constitution entre 2019 et 2020. Voilà qui a contribué à exacerber la crise de confiance entre les acteurs guinéens à tel point qu’on a du mal à trouver aujourd’hui des acteurs capables de jouer la médiation dans les crises à répétition qui secouent le pays depuis plus d’une dix ans.

Que dire des syndicats ? Là également, le libéralisme prôné dans le secteur a conduit à la prolifération des centrales syndicales. Le pays en compte aujourd’hui plus de douze (12) et pour combien de travailleurs dans le public et dans le privé ? Pour vivre, pour ne pas dire survivre, certains leaders syndicaux sont obligés de prendre position en faveur des partis politiques. Ce n’est pas Aboubacar SOUMAH du SLECG qui dira le contraire. Parce qu’il a échappé de bel quand il était couteau avec le gouvernement autour des huit millions (8 000 000 gnf) de francs guinéens comme salaire de base pour les enseignants. Certains leaders syndicaux qui voulaient sa peau se sont attaqués à lui au palais du peuple à l’occasion d’une fête internationale du travail. Ce constat n’épargne pas non plus les leaders religieux dont certains n’hésitent pas de jurer au nom d’un leader politique que de celui de dieu.

Au regard de ce qui précède, on peut aisément dire que toutes les entités guinéennes sont aujourd’hui divisées et les acteurs se regardent parfois sur fond de haine. Avec la refondation de l’Etat prônée par le président de la transition, on pouvait régler bon nombre de ces problèmes, si l’opération est menée à bon escient. Seulement, pour atteindre cet objectif, il faudra bien que le CNRD se mette à l’abri des prises de position entre les acteurs politiques. Cette instance de prise de décision doit donc jouer son rôle avec sincérité tout en se mettant au-dessus des guéguerres politiciennes. Car, il est très difficile de concilier ‘’rigueur et malhonnêteté’’. Surtout qu’au regard de la situation actuelle de la Guinée, c’est par la rigueur et la rigueur seulement qu’on peut inverser la tendance. Parce que le constat actuel est la résultante de plus de deux décennies de politisation à outrance de la société guinéenne.
Puisse dieu le tout puissant aider la Guinée et les guinéens.
Amara Camara
Journaliste-Enseignant-Chercheur à l’ISIC de Kountia
Tél : 628 59 89 71
E. mail : amarakaniaka@gmail.com.

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